
Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir Hors-série n°198 daté juillet-août 2019.
Les autorités chinoises le répétaient à l’envi, bien avant le début de sa construction en 1994 : “Le barrage des Trois-Gorges sera le plus grand du monde”. Un argument de propagande à usage interne et externe qui mérite aujourd’hui d’être nuancé. Cet ouvrage d’art situé dans le centre du pays, sur le Yang Zi (fleuve Bleu), n’est en effet ni le plus haut, ni celui doté du plus vaste réservoir. Reste qu’il compte incontestablement parmi les mastodontes du genre. “Il dispose de la plus importante capacité de production hydroélectrique au monde”, précise Anton Schleiss, chercheur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, qui a évalué le projet pour le compte du gouvernement helvétique dans la perspective d’échanges commerciaux.
Le barrage répond à une ambition gigantesque et plus que millénaire : protéger le pays des crues dévastatrices du Yang Zi. Troisième fleuve au monde derrière le Nil et l’Amazone par son débit (30.000 mètres cubes par seconde) et sa longueur (près de 6300 kilomètres), celui-ci reçoit près de 3600 affluents, dans une région soumise à une forte pluviométrie. D’où des crues régulières et parfois cataclysmiques. Celle de 1931 a fait au moins 150.000 morts ; celle de 1954, près de 30.000 victimes et 19 millions de sans-abri, sans compter plus de trois millions d’hectares de terres agricoles dévastées. En 1998, plus de 3000 morts et des centaines de milliers de personnes déplacées ont été dénombrés.
“Dès 1919, Sun Yat-sen (premier président de la République de Chine, ndlr) propose l’idée d’un barrage, qui sera reprise sous l’ère de Mao Zedong, mais abandonnée faute de moyens”, explique John Seaman, chercheur au centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il faudra attendre la croissance économique soutenue des années 1980 et le soutien du premier ministre Li Peng, ancien ingénieur en hydroélectricité, pour que le projet ressorte des cartons. Le nom de l’ouvrage, les “Trois-Gorges”, vient de sa situation en aval de trois vallées abruptes creusées par le fleuve, spectaculaires et touristiques. La construction de ce colosse de béton s’étalera sur quinze ans, de 1994 à 2009, en trois phases. Le cours du fleuve est tout d’abord détourné afin de permettre l’édification des infrastructures tout en maintenant la navigation. À cette fin, un canal est creusé sur la rive gauche. “C’était une phase critique, se souvient Jinsheng Jia, vice-président de l’Institut de recherches sur les ressources en eau et l’hydroélectricité de Chine (IWHR), qui a participé à la conception du projet. En effet, le courant du Yang Zi est fort et rapide. Nous avons donc dû simuler en laboratoire, sur une maquette, l’opération qui a consisté à bloquer le cours du fleuve par des barrages provisoires, le temps de construire le barrage définitif. ” Deuxième étape, de 1998 à 2003, alors que les deux tiers de l’ouvrage sont déjà construits et en partie mis en eau, les premières turbines produisant l’électricité entrent en service. Après quoi le barrage est surélevé jusqu’à sa hauteur maximale de 181 mètres. En 2009, il est pleinement opérationnel.
Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir Hors-série n°198 daté juillet-août 2019.
Les autorités chinoises le répétaient à l’envi, bien avant le début de sa construction en 1994 : “Le barrage des Trois-Gorges sera le plus grand du monde”. Un argument de propagande à usage interne et externe qui mérite aujourd’hui d’être nuancé. Cet ouvrage d’art situé dans le centre du pays, sur le Yang Zi (fleuve Bleu), n’est en effet ni le plus haut, ni celui doté du plus vaste réservoir. Reste qu’il compte incontestablement parmi les mastodontes du genre. “Il dispose de la plus importante capacité de production hydroélectrique au monde”, précise Anton Schleiss, chercheur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, qui a évalué le projet pour le compte du gouvernement helvétique dans la perspective d’échanges commerciaux.
Le barrage répond à une ambition gigantesque et plus que millénaire : protéger le pays des crues dévastatrices du Yang Zi. Troisième fleuve au monde derrière le Nil et l’Amazone par son débit (30.000 mètres cubes par seconde) et sa longueur (près de 6300 kilomètres), celui-ci reçoit près de 3600 affluents, dans une région soumise à une forte pluviométrie. D’où des crues régulières et parfois cataclysmiques. Celle de 1931 a fait au moins 150.000 morts ; celle de 1954, près de 30.000 victimes et 19 millions de sans-abri, sans compter plus de trois millions d’hectares de terres agricoles dévastées. En 1998, plus de 3000 morts et des centaines de milliers de personnes déplacées ont été dénombrés.
“Dès 1919, Sun Yat-sen (premier président de la République de Chine, ndlr) propose l’idée d’un barrage, qui sera reprise sous l’ère de Mao Zedong, mais abandonnée faute de moyens”, explique John Seaman, chercheur au centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il faudra attendre la croissance économique soutenue des années 1980 et le soutien du premier ministre Li Peng, ancien ingénieur en hydroélectricité, pour que le projet ressorte des cartons. Le nom de l’ouvrage, les “Trois-Gorges”, vient de sa situation en aval de trois vallées abruptes creusées par le fleuve, spectaculaires et touristiques. La construction de ce colosse de béton s’étalera sur quinze ans, de 1994 à 2009, en trois phases. Le cours du fleuve est tout d’abord détourné afin de permettre l’édification des infrastructures tout en maintenant la navigation. À cette fin, un canal est creusé sur la rive gauche. “C’était une phase critique, se souvient Jinsheng Jia, vice-président de l’Institut de recherches sur les ressources en eau et l’hydroélectricité de Chine (IWHR), qui a participé à la conception du projet. En effet, le courant du Yang Zi est fort et rapide. Nous avons donc dû simuler en laboratoire, sur une maquette, l’opération qui a consisté à bloquer le cours du fleuve par des barrages provisoires, le temps de construire le barrage définitif. ” Deuxième étape, de 1998 à 2003, alors que les deux tiers de l’ouvrage sont déjà construits et en partie mis en eau, les premières turbines produisant l’électricité entrent en service. Après quoi le barrage est surélevé jusqu’à sa hauteur maximale de 181 mètres. En 2009, il est pleinement opérationnel.
L’objectif de lutte contre les crues est-il aujourd’hui atteint ? Certes, en 2016, le Yang Zi a encore débordé, faisant 180 victimes. Un chiffre sans commune mesure, pourtant, avec celui des crues précédentes. “Auparavant, chaque saison, il y avait environ cinq pour cent de risques qu’il se produise une inondation meurtrière en aval. Désormais, c’est un pour cent”, souligne Anton Schleiss. L’eau en excédent est en effet évacuée vers l’aval via un déversoir placé au centre du barrage et muni de multiples vannes. Par ailleurs, avant chaque saison des pluies, le niveau de la retenue est abaissé d’une quarantaine de mètres : “Cette opération permet aux rivières de se déverser dans la retenue et évite l’accumulation de sédiments qui, en bouchant les vannes du barrage, provoqueraient des inondations. Baisser le niveau permet d’augmenter la vitesse d’écoulement et d’évacuer les alluvions”, explique le chercheur suisse.
À l’ouest du barrage, une ville de 40 millions d’habitants
L’importante réserve d’eau permet d’assurer pleinement le deuxième objectif affiché : fournir de l’hydroélectricité. Celle-ci est générée par 26 gigantesques turbines dont chacune, équipée d’une roue de près de 10 mètres de diamètre, affiche 700 mégawatts (MW) de puissance. Soit 18.200 MW, l’équivalent de 50 centrales à charbon ou de dix centrales nucléaires, pour un total annuel de 84 térawattheures (TWh), plus de la totalité de la production hydroélectrique française (67 TWh). “Il s’agissait pour la Chine d’être autonome, notamment vis-à-vis de la Russie, en produisant sa propre énergie avec des technologies nationales, note John Seaman. Mais le projet a aussi joué un rôle dans le développement économique considérable du bassin du Yang Zi.” Ainsi, l’agglomération de Chongqing, située à l’ouest du réservoir du barrage, est aujourd’hui la plus grande au monde avec près de 40 millions d’habitants. À l’embouchure du fleuve, à 1500 kilomètres de là, Shanghaï, la capitale économique de la Chine, a vu sa population plus que doubler depuis le début de la construction des Trois-Gorges, atteignant les 25 millions d’habitants. Son économie est dopée par l’accroissement de l’énergie électrique disponible.
“Le choix d’un barrage unique et non de plusieurs petits ouvrages, c’est aussi celui d’une augmentation considérable de la navigation commerciale”, note John Seaman. L’objectif affiché par les autorités était de multiplier cette dernière par cinq. Alors qu’auparavant le Yang Zi, peu profond sur la majeure partie de son cours, n’était guère navigable en dehors des périodes de mousson, son niveau est désormais suffisamment haut pour les bateaux de fret de 10.000 tonnes. Ces derniers empruntent un couloir de navigation équipé d’un système classique d’écluses en escalier à cinq paliers, pour franchir le barrage dans les deux sens. Les bâtiments plus modestes, transportant notamment des passagers, bénéficient quant à eux d’un système beaucoup plus original : un “ascenseur à bateaux” – le plus grand du monde. Il s’agit d’un bassin rempli d’eau de 120 mètres de long, 18 mètres de large et 3,5 mètres de profondeur. Une fois le bateau entré, les portes du bassin se referment, puis celui-ci monte ou descend sur près de 113 mètres grâce à de puissants moteurs.
Le dauphin du Yang Zi pourrait avoir totalement disparu
Des atouts indéniables, et pourtant… Le barrage des Trois-Gorges n’a pas eu que des partisans. “Lors du vote sur le projet, en 1992, il n’a pas fait l’unanimité (au sein de l’Assemblée populaire nationale, ndlr), ce qui est une exception, raconte John Seaman. Certains auraient préféré une série de barrages plus petits sur les affluents du Yang Zi afin de limiter le coût, mais aussi les conséquences humaines et environnementales.” La submersion des terres en amont de la retenue a en effet entraîné la destruction de près de 1000 villes et villages et la perte de 25.000 hectares de terres arables. Quant au nombre de personnes déplacées, il se monte officiellement à 1,4 million au minimum. Des quartiers et villages inondés ont été reconstruits plus haut sur le fleuve, et les conditions de vie et de confort y sont meilleures. Mais certains habitants expropriés se sont vu proposer des terrains et des compensations financières dérisoires par rapport au préjudice subi.
Du point de vue environnemental, le ralentissement du débit du Yang Zi a provoqué une accumulation de déchets tout au long de son cours, affectant la qualité de l’eau. Depuis toujours, en effet, le fleuve fait office d’égout. “Cependant, des progrès notables ont été réalisés en matière de systèmes d’épuration”, remarque Anton Schleiss. Par ailleurs, le changement de régime (alternance des basses et hautes eaux) du fleuve a perturbé le biotope de nombreuses espèces végétales et animales, ainsi que la migration des poissons. L’espèce la plus emblématique de la région, le baiji ou dauphin du Yang Zi, n’a plus été observée depuis 2007 et pourrait avoir totalement disparu. “Nombre de mesures environnementales ont été prises depuis l’achèvement du barrage, par exemple l’apport régulier d’alevins de poissons”, tempère Jinsheng Jia.
Enfin, l’impact géologique de l’ouvrage est controversé. Conçu pour résister à un tremblement de terre de degré 7 sur l’échelle de Richter, peu probable dans la région, il a été mis en cause par des ONG environnementales comme International Rivers dans de possibles risques sismiques et glissements de terrain. “Le poids de l’eau n’est a priori pas suffisant pour avoir une incidence significative sur la croûte terrestre et provoquer des secousses”, conteste Anton Schleiss. En revanche, de nombreux glissements de terrain se seraient produits sur les parois du lac de retenue, signe que le relief a été déstabilisé.
Le bilan est donc contrasté. “Le barrage des Trois-Gorges est avant tout le symbole de la puissance technologique et industrielle du pays, résume John Seaman. Depuis, la Chine a développé une réelle expertise dans la construction de ce type d’ouvrages.” Et elle n’en a pas fini avec les grands travaux. Le projet le plus ambitieux s’appelle “Du sud au nord” : il consiste à transférer une partie des abondantes ressources en eau du sud de la Chine vers le nord, bien plus aride. L’eau des rivières et des fleuves est ainsi détournée le long de trois “routes” constituées de canaux, de barrages et de stations de pompage. Un puzzle hydrologique gigantesque, entamé en 2002, dont le géant des Trois-Gorges n’est qu’une petite pièce.
PHP Script, Elementor Pro Weadown, WordPress Theme, Fs Poster Plugin Nulled, Newspaper – News & WooCommerce WordPress Theme, Wordfence Premium Nulled, Dokan Pro Nulled, Plugins, Elementor Pro Weadown, Astra Pro Nulled, Premium Addons for Elementor, Yoast Nulled, Flatsome Nulled, Woocommerce Custom Product Ad, Wpml Nulled,Woodmart Theme Nulled, PW WooCommerce Gift Cards Pro Nulled, Avada 7.4 Nulled, Newspaper 11.2, Jannah Nulled, Jnews 8.1.0 Nulled, WP Reset Pro, Woodmart Theme Nulled, Business Consulting Nulled, Rank Math Seo Pro Weadown, Slider Revolution Nulled, Consulting 6.1.4 Nulled, WeaPlay, Nulledfire