
La pandémie et l’augmentation du prix des fruits et des légumes poussent de plus en plus de Québécois à vouloir cultiver chez eux. L’emplacement, les dimensions, le matériel requis, les variétés à privilégier… Nous faisons le tour des quelques conseils de base pour aménager votre premier potager.
Manifestement, les Québécois aiment plonger les mains dans la terre. Une étude réalisée l’automne dernier par l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, suggère que 48 % des résidents de la Belle Province cultivent au moins une variété de fruits ou de légumes à domicile. Selon ce même sondage, près d’un Canadien sur cinq a commencé à cultiver des aliments à la maison en 2020.
La pandémie de COVID-19 n’est donc pas étrangère à ce phénomène. « Les gens ont réalisé que jardiner est plus qu’un simple passe-temps. C’est aussi une manière de combler un besoin de base : celui de se nourrir », fait valoir Marthe Laverdière, horticultrice, auteure de la série de livres Jardiner avec Marthe (Les Éditions de l’Homme) et propriétaire des Serres Li-Ma.
Cet engouement a toutes les chances de perdurer. En 2021, l’augmentation du prix des fruits et légumes risque de dépasser le taux d’inflation, selon le Rapport sur les prix alimentaires canadiens publié par diverses universités, dont Dalhousie et celle de Guelph. Démarrer votre propre potager peut donc se révéler économique. Cela vous intéresse? Protégez-Vous vous accompagne ici dans l’aménagement de votre premier potager.
Choisissez le bon emplacement
Déterminez les dimensions
Prévoyez votre matériel
Préparez la terre
Semez les bonnes variétés
Dates sans risque de gel
Entretenez votre jardin et les récoltes
Ressources
Choisissez le bon emplacement
Avant même de jouer dans la terre, étudiez votre environnement afin de mieux en connaître le potentiel. Cette étape clé vous permettra entre autres de déterminer l’emplacement de votre futur jardin en fonction de son ensoleillement. Un truc : observez les zones d’ombre dans votre cour par une belle journée où le ciel est dégagé.
En règle générale, un terrain qui est orienté au nord ou à l’est bénéficie de moins d’heures de lumière directe qu’un autre situé en plein sud ou au sud-ouest. « La culture des plantes potagères exige au bas mot six heures de soleil par jour. En deçà de ce nombre, il y a trop d’ombrage, et vous serez limité quant aux variétés de fruits, de légumes et de fines herbes que vous pouvez faire pousser », dit Albert Mondor, horticulteur, biologiste et auteur du livre Le nouveau potager (Les Éditions du Journal).
Portez aussi attention à la présence d’arbres matures, dont les racines bien développées peuvent faire concurrence à celles de jeunes plants. Privilégiez un endroit dégagé, quoiqu’à l’abri des vents dominants, lesquels ont tendance à assécher la terre (les murs et haies offrent une certaine protection). Fuyez les coins bas ou enfoncés : ils sont propices à l’accumulation d’eau lors de fortes précipitations. Aménagez idéalement votre potager près de la maison et d’une prise d’eau, ce qui s’avérera pratique pour l’arrosage.
Déterminez les dimensions
Dans le livre L’avenir est dans le champ (Les Éditions La Presse), le jardinier-maraîcher Jean-Martin Fortier écrit que « un potager de 300 m2 à 500 m2 peut réussir à nourrir une famille de quatre personnes ». Toutefois, à moins d’aspirer à l’autonomie alimentaire, les apprentis horticulteurs devraient viser beaucoup plus petit. « Une des erreurs courantes, chez les débutants, est d’avoir les yeux plus gros que la panse. Ils plantent plusieurs variétés en grande quantité et se trouvent submergés par la tâche », observe l’horticulteur Larry Hodgson, alias le jardinier paresseux, à qui l’on doit plus de 60 livres sur l’horticulture. Optez plutôt pour une superficie d’environ 36 m2, voire moins pour les petites familles, les couples et les personnes seules.
Votre jardin peut prendre toutes sortes de formes et d’aspects différents. L’aménagement conventionnel en carré ou rectangle permet de maximiser l’espace, mais il complique certaines tâches courantes d’entretien, comme le sarclage (soit l’arrachage des mauvaises herbes); vous risquez de piétiner vos cultures en tentant d’atteindre le centre de votre potager. C’est pourquoi il vaut mieux subdiviser le jardin en rangs ou en une multitude de petits lots destinés aux différentes variétés à cultiver. Votre cour, de même que son ensoleillement, guidera vos choix à ce chapitre.
Aménager votre potager en rectangle, comme dans cet exemple, permet d’en minimiser l’empiétement, mais cela peut compliquer certaines tâches courantes d’entretien.
Source : MJardiner
La largeur recommandée pour chaque rang de surface cultivée, ou planche de culture, est de 80 cm à 1,20 m environ. Ces espaces seront surélevés avec de la terre et des fertilisants (comme le compost) lors de l’étape ultérieure de la préparation de la terre, et ils peuvent être délimités avec des cadres de bois résistants à la pourriture, bien que cela ne soit pas indispensable. Prévoyez des allées de 30 à 40 cm pour circuler et travailler entre les planches de culture. N’hésitez pas à faire un croquis pour vous aider à mieux figurer les dimensions de votre potager. Par ailleurs, ce canevas vous sera utile pour déterminer la disposition des légumes que vous ferez pousser.
Prévoyez votre matériel
Vous équiper pour jardiner dans votre cour n’a pas besoin d’être dispendieux ni compliqué. Vous pouvez très bien vous tirer d’affaire avec quelques outils essentiels, comme une pelle-bêche robuste, un arrosoir de bonne capacité et un sécateur. Le coût total pour l’ensemble : plus ou moins 100 $, selon la qualité. Pour réduire encore plus la facture, vous pouvez même partager ces accessoires avec vos voisins ou vos proches.
Cela vaut aussi pour les semences. « Ce n’est pas parce que les sachets du commerce contiennent 20 graines qu’il faut toutes les planter. Partagez-les ou, à la rigueur, congelez-les pour un usage ultérieur », conseille l’horticultrice Marthe Laverdière. Un sachet de semences, vendu à peine quelques dollars à la jardinerie du coin, ne devrait pas faire exploser votre budget, pas plus que l’achat de certaines plantes préalablement semées, même si elles se révèlent plus chères à l’unité (de 3 à 7$) que les semences.
L’outillage à usage plus ponctuel (brouette, râteau, etc.) gagne pour sa part à être loué, par exemple auprès d’ateliers coopératifs tels que La Patente, à Québec, ou La Remise, à Montréal. Prévoyez en outre quelques dizaines de dollars pour les amendements – soit les matériaux ajoutés au sol en vue d’en améliorer la qualité agricole –, comme le compost, le fumier, l’engrais et le paillis organique. Un conseil : équipez-vous petit à petit au lieu de tout acheter d’un coup.
Préparez la terre
La composition du sol a une grande influence sur la qualité de ce que vous y récolterez. La majorité des terrains situés au sud du Québec, sur les basses terres du Saint-Laurent, sont heureusement propres à la culture. En ville, il arrive néanmoins que certains sols soient plus pauvres, ou encore carrément contaminés par des métaux lourds, des hydrocarbures aromatiques polycycliques ou d’autres polluants chimiques provenant par exemple d’activités industrielles et commerciales à proximité. En cas de doute (présence de débris, odeurs nauséabondes, etc.), n’hésitez pas à procéder à une analyse de sol approfondie en vous adressant à un centre de jardinage.
Commencez par faucher ou tondre les plantes qui se trouvent à l’emplacement du nouveau potager, puis ameublissez la terre jusqu’à une profondeur d’environ 20 cm à l’aide d’une pelle-bêche. Montez vos planches de culture avec de la terre excavée dans les allées jusqu’à une hauteur d’environ 15 à 20 cm; cela favorise à la fois un meilleur réchauffement et un meilleur égouttement du sol. Larry Hodgson suggère pour sa part de recouvrir la surface de culture d’une bonne épaisseur de papier journal ou de carton non ciré avant de la recouvrir de terre : « Vous bloquerez ainsi la croissance de plantes indésirables », précise-t-il.
Vous devez ensuite amender le sol, c’est-à-dire y incorporer des substances qui modifient ses propriétés pour le rendre plus fertile. Enrichissez les planches de culture en y mélangeant une bonne quantité de fumier bien décomposé ou de compost (vous pouvez utiliser le vôtre, celui vendu par votre municipalité ou celui offert en sacs). À la fin de cette étape, vos planches devraient avoir une hauteur d’environ 25 à 30 cm de terre meuble bien égalisée. « Bien qu’optionnel, un apport d’engrais naturel en début de saison favorise une meilleure croissance des plantes potagères », dit Albert Mondor. Recouvrez vos allées de paillis afin de vous épargner la tâche d’avoir à les désherber constamment.
Semez les bonnes variétés
Les jardiniers amateurs gagneront à garnir leur premier potager de variétés faciles à cultiver. Tenez-vous loin des melons, des artichauts, des aubergines, des poivrons et de la coriandre, réputés très exigeants. Tournez-vous plutôt vers les légumes feuilles et racines, comme la laitue, les épinards, les carottes, les pois et les haricots, qui requièrent en outre moins d’ensoleillement.
Les légumes-fruits, comme les classiques tomates et concombres, demandent un bon niveau de soins; voyez-le comme un défi à relever. Dans la mesure du possible, évitez les transplants de semis réalisés à l’intérieur de votre domicile, une opération complexe. « Semez ce que vous aimez manger; c’est bien plus facile et motivant », rappelle Marthe Laverdière.
Chaque variété de plantes potagères possède ses spécificités quant à son semis (profondeur, espacement, moment pour l’effectuer) et ses conditions de croissance (temps de germination, besoins en irrigation, ensoleillement, besoins spéciaux). Ces informations et bien d’autres plus pointues sont indiquées sur les sachets de semences. Certains sites, comme celui d’Espace pour la vie, proposent même des suggestions de compagnonnage – de « bons amis » – pour chaque légume du potager, ainsi qu’un calendrier de semis propre à la région de Montréal. Attention de ne pas surcharger votre jardin : il ne produira pas plus.
Une autre erreur courante : tout planter en même temps, dès les premières belles journées de mai, alors qu’il y a encore des risques de nuits froides. « La notion de date sans possibilité de gel au sol est cruciale. Elle arrive environ deux semaines après le dernier gel », explique Larry Hodgson. Sachez néanmoins que certains légumes tolèrent très bien les nuits fraîches, voire glaciales, et qu’ils peuvent donc être plantés bien avant leurs comparses frileux. C’est par exemple le cas des radis, que vous pouvez mettre en terre dès la fonte des neiges, en avril.
Dates sans risque de gel
Sur son site web, Larry Hodgson mentionne plusieurs dates où les chances de gelées au sol sont minimes, et ce, pour plusieurs endroits au Québec. À Montréal et ses environs, cela va au 25 mai, soit environ deux semaines plus tôt qu’à Québec et à Sherbrooke. À Drummondville, à Trois-Rivières et à Gatineau, c’est plutôt autour de 5 juin. À Chicoutimi et à Gaspé, il faut attendre jusqu’à la fin juin, et au début du mois de juillet en ce qui concerne Senneterre, en Abitibi.
Entretenez votre jardin et les récoltes
Une fois votre potager bien démarré, vous n’avez plus qu’à y arracher les mauvaises herbes ainsi qu’à travailler la couche superficielle de la terre afin de la rendre meuble, ce qui permet à l’eau de s’infiltrer. Arrosez en matinée de préférence, à raison d’une fois par semaine au printemps et de deux fois par semaine en été.
En temps de canicule, vous pourriez arroser jusqu’à trois ou quatre fois par semaine. « Un bon truc est d’insérer votre doigt dans le sol jusqu’à la deuxième phalange, puis d’arroser seulement s’il est sec au toucher », indique Albert Mondor. Ces opérations – l’arrosage, surtout – doivent être répétées sur une base régulière, à raison de quelques minutes par jour, ce qui vous permettra en même temps de garder un œil sur la présence de visiteurs indésirables et sur l’apparition de maladies.
Selon les variétés et quantités plantées, les récoltes peuvent s’étaler sur l’ensemble de la saison de culture ou se concentrer sur des périodes précises. Le cas échéant, ne vous laissez pas surprendre et réservez-vous du temps à l’agenda, entre autres pour transformer le fruit de votre labeur en le mettant en conserve, en le cuisinant ou en le congelant.
Le cas échéant, lavez et séchez vos récoltes soigneusement avant de les peler et de les couper, puis blanchissez-les et déposez-les dans des sacs de congélation. Certains légumes, comme ceux à racine, peuvent être sortis de terre très tardivement et gagnent même à subir un premier gel : ils auront meilleur goût. « Afin de déterminer le meilleur moment pour récolter, il suffit de vous référer à l’apparence de ce que vous achetez au supermarché », recommande Larry Hodgson. Cela implique bien sûr que vous fréquentiez encore l’allée des fruits et légumes!
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Ressources
La Brouette
Organisme à but non lucratif qui travaille à promouvoir et à développer l’agriculture urbaine en Mauricie, et qui dresse une liste de semenciers québécois.
Jardin, potager du Québec – Un jardin pour la vie!
Ce groupe Facebook est voué à l’entraide et à la diffusion d’informations entre jardiniers de tous les niveaux.
La Patente
Atelier coopératif qui prête du matériel de jardinage à Québec.
La Remise
Bibliothèque d’outils (pour le jardinage, notamment) située à Montréal.
Mâche-patate
Balado de l’organisme à but non lucratif Les Urbainculteurs, qui se consacre à la promotion de l’agriculture urbaine.
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